Quelques textes, en passant…

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Il y a dans chaque flocon cet état d’avant-naître, sur chaque arête la possibilité d’un silence, et pour unique altitude celle où je me rapproche de toi.
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Puisqu’il y a dans chaque voix un chant qui monte, une danse verticale, puisqu’il y a dans chaque brume une île plantée au milieu du ciel, une altitude de départ ou d’arrivée, puisqu’il y a sur chaque page écrite cette atmosphère, ce désir qui s’étire, nous ne sommes que cette aiguille perdue dans la clarté, le silence d’un monde à renaître.

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Ce qu’elle lâche au rebours du temps, au milieu du ciel, c’est un liquide argenté plein de cellules de vie, un vin sexuel. L’oeuf s’en va violer les parts d’ombre, terrestres, qui virevoltent dessous.

Ces pluies glacées, gazéifiées, arrosent alors le pli d’un livre, sa courbure de velours, son vent de face. Deux lumières viennent en elle, d’ombre et de soleil. La langue fait un pas vers sa bouche, tant de mots la font jouir.

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Sois fragile mon amour, c’est la seule force du monde.
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Chaque instinct est une marche gravie
Une survie contre les lois du monde
Un galop sensuel sur les steppes ventées

Dis-moi l’instant sur un mur interdit
(que là où écrire)
Une solitude souhaitée

Un espoir minéral où l’oxygène serait une drogue impressionniste

Sois Hors-toi comme un langage
Primitif
J’imagine tes peurs tes espaces de paix intérieure
Tes fragments de devenir

Je ne sais rien de toi et c’est mon corps qui s’affole quand tu n’es pas dans mon corps

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L’équilibre est rompu
délicate escalade sans toucher corps s’accrocher à ce qui glisse à couteaux profonds

lumière stroboscopique voilà flamme
hypnose au réveil aube nue
des couleurs des couleurs
qui sont prisonnières de la tête

enfance rompue
glaciale chaleur
près du feu

Toi tu vis
tu vis toute brume alentour
comme une improvisation fœtale
au risque d’y laisser des ailes

Tu frottes des silex dans le poème
pour mieux déclarer la guerre
à ton ombre

Tu mets à nu la terre plus que le ciel

Ton corps en équilibre

Une onde de vie plus qu’une onde de mort
toi tu vis

Tu vis la vague
comme une levée du poing

Tu te perds dans la foule
Au beau milieu de toi-même

C’est l’inconscience qui t’a choisi
toi tu vis

Tu vis extraordinairement
Tu vois la lumière violente

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La fenêtre est illusoire
je ne te vois qu’en paradis perdu
faut-il y sentir danse plutôt que rythme
(passer les nuits comme les siècles)

je t’abandonne à tes partout
pour un temps que je souhaite
à toutes forces
aboli

les nuages de Bernard Chambaz m’obsèdent
nuage
nuée
nue

est-ce la séquence non-définie in-finie
l’amour que je te porte portais
est-ce d’avoir été

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Puisqu’il nous faudra des jours et des nuits pour qu’un cri de neige s’efface, entends-tu dans l’air qui passe cette onde glacée ?

On traverse la vie comme on traverse le brouillard : par petites incursions dans le réel. Des vies minuscules, éclairées par l’ombre d’un soleil trop grand.

Car même si nous n’y voyons qu’un plafond de nerfs, la matière nous absorbe comme nous absorbons la matière noire de nos nuits.

Et si empreinte céleste il y a, alors tout se passe comme si deux êtres se confondaient avec le vent, pour remonter à la première rencontre, à l’origine de nos atomes déchirés.

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Un alpiniste ne tombe pas, jamais. Une seule chute lui est permise : celle de tomber amoureux… de la montagne.

Pour Sylvain Tesson

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Poème de rien
(À Gherasim Luca)

Pour la nuit qui avale ce ciel salé
Pour un soleil blanc à frapper si chaud
Pour une marche à travers toi encore si haute
J’absente ta peau

Pour les quelques marques imprimées d’une lune sans dents
Pour la paupière laissée vide une heure plus tôt
Pour qu’une fuite ne se propage en toi enfuie
Je lèvre mon verre

Pour un seul cil écarté laissant pâleur de côté
Pour ce silence effroyable qui gémit dans l’ombre
Pour ton muscle de feuilles et de bois
Je vague ta nuque

Pour ce sommet sans eau qui te cache
Pour qu’une neige prolonge le flocon nocturne
Pour ces pierres parfumées de ton corps
J’œil ta bouche

Pour que chaque minute soit ce sommeil sans fracas
Pour le noir d’un ciel que tant voient rouge Pour l’hémoglobine que je laisse sécher à ta porte
J’enivre par ta main

Pour la goutte de lait léchée sur mon squelette
Pour cette violence qui pousse dans la sève de nos rêves
Pour le prolongement d’une seule de tes nuits
Je ciel ta brûlure

Pour toi évanouie et pourtant debout
Pour toi à jurer une promesse sans mots
Pour toi d’écriture aux voyelles blanches ou noires
Je ligne ton reflet

Cette onde, ce voile sans sexe, toi, par éclaboussures.

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Eau devient Glace
Terre Altitude
Feu Lumière
Air Oxygène de feu

Une marche lente
Un souffle incantatoire
Une paix brisée

C’est laisser le vertige improviser des brumes de néant
C’est foudroyer une caravane avec une arme de sable
C’est te lier par le sang au parfum sommital (des ombres traversent le vent il leur faut prendre les ascendants)

On dirait des nuages tâchés de ciel
des étoiles à midi
de la neige promise
sur le cercle d’horizon
de l’amour à outrance
pour chaque couleur
et des variations sur l’incertitude
que tu n’es pas là
(là-haut est-il fuite)
et l’illusion de te vivre
(onde de choc qui me traverse)
mon être-poème

Accrocher un peu de toi aux volutes
(et le mot est une braise de sommet) L’entends-tu

On pourrait brûler l’hiver
éteindre l’été
(onde de choc qui me traverse)
mon extrême d’or

Suspendu
(et les clameurs murmurées
sont le seul accompagnement possible)

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« Au cœur de notre vie, au cœur des êtres qui nous entourent, la rumeur du monde avance.

Il ne s’agit pas tant de se marginaliser ni même de décrier cette rumeur mais plus d’accepter et de laisser entrer ce de quoi nous sommes faits : d’ombre et de lumière.

La rumeur veut du beau et du fort. Notre solitude accueille le doute et la fragilité. Il s’agit donc de compromis et d’équilibre, comme toujours.

Vivre en poésie, c’est marcher sur le fil imaginaire de la joie, du simple, du lent, du sensuel mais aussi sur celui de la jubilation, de la révolution éternelle, de la fulgurance d’amour.

C’est ce qui donne de l’extrême au quotidien et de la lenteur à l’instant.

Vivre en poésie est inutile, tout comme aller en montagne, car il est inutile de voir les choses différemment. Inutile mais nécessaire. »